EHPAD des Hêtres : « Si le Hasenrain m’était conté » Quand Emile, 92 ans, révèle ses remarquables talents de dessinateur de BD

Publié le

A 92 ans, Emile Heitz, résident des Hêtres de l’Ehpad du Hasenrain a réalisé une bande dessinée sous la forme d’une fresque retraçant de façon humoristique et très personnelle l’histoire du site du Hasenrain de 1870 jusqu’à la fondation de l’hôpital en 1898.

A 92 ans, Emile Heitz, résident des Hêtres de l’Ehpad du Hasenrain a réalisé une bande dessinée sous la forme d’une fresque retraçant de façon humoristique et très personnelle l’histoire du site du Hasenrain de 1870 jusqu’à la fondation de l’hôpital en 1898. L’œuvre de ce passionné de BD a été exposée dans le cadre de la « Balade des EHPAD » qui a réuni, le 28 février dernier, une soixantaine de résidents des Ehpad du GHRMSA pour un moment festif et convivial.

Lorsqu’il s’agit de présenter son œuvre, Emile Heitz sort le grand jeu. Tout en élégance, vêtu d’un costume-cravate, cet alerte nonagénaire, fils d’ouvrier, a imaginé une BD en six tableaux et maxi format retraçant une partie de l’histoire du Hasenrain et de l’épopée industrielle mulhousienne. Emile Heitz a pris goût au dessin lorsqu’enfant il eut l’occasion de découvrir, dans le quartier Wolf où il habitait, l’atelier d’un artisan-décorateur mulhousien qui réalisait les décors pour le théâtre de la Sinne. Plus tard, Emile relate avoir connu l’enseignement strict du collège de la Tour du diable, sous l’occupation allemande. Cela ne l’empêchait pas de griffonner un char en cachette pendant les cours, à la demande de ses camarades. A la sortie du collège, Emile est embauché comme aide-comptable chez Manurhin. Curieux de nature, Emile découvre la comptabilité mais aussi le service approvisionnement et la paye, autant d’opportunités qui lui permettent de se forger une bonne expérience et de vivre, plus tard, l’arrivée de l’ordinateur, outil dont il se sert toujours. Il est, par la suite, embauché chez un fabricant d’équipements miniers avant de rejoindre une société d’exploitation pétrolière française où il accède au poste de cadre technico-commercial.

Jeune retraité, il suit des cours à l’école du Quai à Mulhouse avant d’enseigner à l’UP

La retraite arrive un peu soudainement et Emile décide de se perfectionner dans le dessin. Il suit pour cela des cours à l’école du Quai à Mulhouse. Ses talents de dessinateurs sont très vite remarqués. Cela lui donne l’occasion d’enseigner à son tour le dessin et la perspective dans le cadre des ateliers proposés par l’Université Populaire (UP). Il décrochera, entre temps, le 1er prix dans la catégorie amateur au festival Bédéciné d’Illzach pour avoir réalisé deux planches sur le thème du sort réservé aux immigrés polonais venus travailler dans les mines de potasse. Inspiré par le zoo de Mulhouse, Emile a également travaillé sur un projet de BD racontant les aventures de deux enfants enfermés la nuit dans le parc zoologique et dont le destin est suspendu à la perspicacité d’un petit hamster. Hélas, ce projet, trop fastidieux à mettre en œuvre, a dû être abandonné par son auteur. Les années passent et Emile doit se résigner à rejoindre son épouse malade à l’Ehpad du Hasenrain. Malgré le décès de celle-ci il y a deux ans, notre talentueux dessinateur se maintient en forme pour continuer à s’adonner à sa passion. Les pinceaux et les crayons sont ses compagnons les plus fidèles. Il dessine des portraits de stars et croque aussi, si on lui demande, les visages des petits enfants du personnel. Il accepte volontiers de co-animer les ateliers dessins proposés à l’Ehpad. Et puis, au début de cette année, Emile saisit l’occasion qui lui est donnée de transcrire en BD, une partie de l’histoire du Hasenrain sur laquelle il avait déjà fait des recherches à partir de documents d’archives. Il répond ainsi à une commande de Toufik, le dynamique animateur de l’Ehpad du Hasenrain. L’objectif est de présenter son œuvre lors de la « Balade des EHPAD » qui fut organisée le 28 février dernier, dont le but est d’offrir un moment de fête aux résidents des Ehpad du GHRMSA.

  

Il s’inspire de ses souvenirs d’enfants, lorsqu’il explorait les recoins du Hasenrain

Malgré le calendrier serré, Emile relève le défi et parvient à créer une BD en huit tableaux. Il dessine directement sur chaque planche, sans travail préparatoire. Emile y apporte des touches de couleurs et des photos d’époque, poussant un peu plus l’immersion dans la bande dessinée. Il s’inspire de ses souvenirs d’enfants, lorsqu’il explorait les recoins du Hasenrain, alors que sa mère venait visiter le grand-père à l’hôpital. Aujourd’hui, ces huit planches magnifiquement réalisées, racontent une histoire à la fois captivante et loufoque, narrée par des personnages inventés, mais résonnant avec les réalités et les émotions du quotidien des résidents d’un Ehpad qui pourrait ressembler à celui du Hasenrain. A travers sa création, Emile met en scène, sous les traits d’un sympathique petit fantôme apparu après une séance de spiritisme, André Koechlin, descendant de la dynastie d’industriels du même nom, qui fut propriétaire du site du Hasenrain. André Koechlin fit don de sa propriété à la Ville de Mulhouse au moyen d'une souscription en 1888 pour y construire l’hôpital du Hasenrain. Aux côtés du fantôme de Koechlin, figure une galerie de personnages dont une résidente amoureuse de l’industriel, une autre aigrie et un vieillard qui se plaint de ses rhumatismes. Au-delà de la dimension purement historique de la fresque, Emile a pris certaines libertés afin de pimenter son histoire. Au fil du scénario, les personnages sont amenés à débattre sur l’avenir du Hasenrain : faut-il y implanter un centre de convalescence, un asile ou un hôpital ? Qui va gouverner l’hôpital : la congrégation catholique ou protestante ? La tour du Hasenrain fait l’objet de toutes les fantaisies. A son sommet, Emile y installe tantôt l’emblématique statue du Schweissdissi, tantôt un nid de cigognes, ou encore les élus du conseil municipal tenant conciliabule autour du projet d’acquisition du Hasenrain. Doté d’une imagination sans limite, ce surdoué de la BD nous démontre qu’il n’y a pas d’âge pour rester jeune dans sa tête et partager sa passion. A 92 ans, Emile sait préserver son regard d’enfant. Il pense déjà à la prochaine étape : éditer son œuvre au format fanzine pour qu’elle puisse passer entre les mains des 7 à 77 ans… et plus. La suite, au prochain épisode !